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DES HOMMES LIBRES DANS UN PAYS LIBRE

par K. Selim

L'appel pressant que vient de lancer M. Abdelhamid Mehri, à travers sa lettre ouverte au président de la République et aux autres décideurs en faveur de la libération des initiatives et de la levée des entraves aux débats entre Algériens, n'a rien d'inhabituel chez lui.

 Mais il prend une forte résonnance dans un contexte algérien effervescent et de bouleversements dans le monde arabe. Par ses propositions pratiques, il permet de cadrer le débat sur le seul enjeu pertinent pour l'Algérie, à savoir le changement pacifique du régime. L'insistance de l'ancien secrétaire général sur cet aspect pacifique tient au constat, qu'il n'est pas le seul à faire, que l'Algérie est un pays où les tentatives de changement sont chèrement payées en termes de pertes en vies humaines.

 Il y a dans cet appel d'un homme politique qui a accumulé une expérience considérable et qui est une mémoire vivante du combat des Algériens pour la liberté, un appel à la raison adressé aux gouvernants. Il est temps de prendre acte que ce régime n'apporte que du négatif à la société algérienne et de saisir que le seul enjeu pertinent pour le présent et l'avenir des Algériens est d'aller vers ce changement pacifique, vers la démocratie et l'Etat de droit.

 Cet appel s'adresse à tous les Algériens et tente de déciller les yeux. Il faut sortir de l'aveuglement, dangereux en ces temps délicats et difficiles, qui consiste à ne rien voir de politique dans les expressions, parfois violentes, de colère et de désarroi qui proviennent de la société algérienne. M. Mehri évoque dans cette attitude l'image étonnante d'un «médecin qui attendrait de ses malades la prescription d'un remède !».

 Il faut également cesser de souligner combien nous sommes «différents» des Tunisiens et des Egyptiens. Le fait que les responsables égyptiens affirmaient, quelques heures encore avant la prise de la place At-Tahrir, qu'ils n'ont rien à voir avec la Tunisie, devrait amener à plus de circonspection dans le propos. Car, comme dirait le poète, ces régimes sont bien des semblables. Ils ont une «même nature» et ils veillent à se prévaloir d'une «façade démocratique clinquante et empêchent, en pratique et par de multiples moyens, de très larges catégories de citoyens de participer effectivement à la gestion des affaires du pays».

 Ce sont ces situations lourdes, inhérentes à ce régime, qui, s'ajoutant aux difficultés de la vie quotidienne, font que les «conditions de l'explosion sont réunies».

 De manière explicite, M. Mehri traduit les appréhensions de très nombreux citoyens qui craignent que l'autisme du pouvoir ne fasse, encore et encore, le lit des violences qui ont meurtri l'Algérie au cours des deux dernières décennies.

 «Les voix qui revendiquent le changement de ce régime et qui sont soucieuses qu'il advienne dans un climat de paix et de libre débat, sont nombreuses». C'est un fait. Le caractère «impératif» de ce changement est visible pour ceux qui veulent voir et refusent de s'aveugler. M. Mehri fait des propositions concrètes pour que les énergies créatrices de la société algérienne puissent s'exprimer et prendre en charge la démocratie, comme effectivement elle a pris en charge la révolution.

 C'est encore une fois un appel pressant pour une évaluation correcte de l'état des lieux actuel et pour une fidélité fondamentale à l'esprit de Novembre 1954, à la quête duquel les Algériens ont tant donné, pour une société d'hommes libres dans un pays libre.